lundi 23 avril 2007
SA - Scène XIV à XVIII
14. INTERIEUR – CAFE CHEZ RAOUL – JOUR PLUVIEUX.
La JOURNALISTE s’assoit à proximité de SAM. Le CAMERAMAN prend place à l’angle du comptoir. Il pose sa caméra devant lui, mais garde une main dessus.
La JOURNALISTE commande deux cafés.
JOURNALISTE (s’adressant à personne)
Marre ! Marre de ce temps, de ces attentats qui nous rendent parano et de ces rédac’chef qui croient que chaque délit est un complot arabe !
SAM a un vague rictus que la JOURNALISTE remarque
JOURNALISTE
Ca vous fait rire ?
SAM replonge les yeux dans son café.
JOURNALISTE
Eh ! Je vous ai vu avec les flics, tout à l’heure ! Vous en êtes un ?
Nouveau rictus de SAM. Amer, cette fois
JOURNALISTE
Décidément, je vous fais marrer. Je dois vous appeler Lieutenant ? Vous vous appelez comment ?
SAM
Je suis privé… Je m’appelle TALEB…
JOURNALISTE
Un privé arabe ?
SAM (qui se fige)
Un privé français, né à Montpellier.
JOURNALISTE (comme si elle ignorait la remarque)
Qu’est-ce que vous pensez des agissements de vos frères musulmans ? Est-ce que vous pensez que leurs revendications justifient de tels actes de barbarie ?
SAM (interloqué)
Qu’est-ce que… Mes frères mus… Mais qu’est-ce que vous me racontez ?
JOURNALISTE
N’avez-vous pas le sentiment que leurs actes jettent le discrédit et la suspicion sur votre communauté ?
SAM (furieux – sa voix est de glace)
Je ne sais pas. Vous en pensez quoi ?
Personnellement, je n’ai jamais mis les pieds dans une mosquée. Je ne parle pas arabe et les revendications des terroristes, j’y entrave que dalle mais ça me fait chier car maintenant, je me balade dans Paris la peur au ventre.
Aujourd’hui, un homme que je connaissais vient de se faire égorger. Mon seul souci est de retrouver le mec qui l’a fait. Ce n’est pas un complot terroriste téléguidé par le Moyen Orient. C’est juste un type qui en a dessoudé un autre…
(S’interrompant alors que le CAMERAMAN retire la main qui cachait la diode de marche de sa caméra)… Et c’est tout ce que j’ai à dire, tu le montreras à ton rédac’chef parano, p’tite conne sournoise. Casse-toi.
La JOURNALISTE et le CAMERAMAN partent sans demander leur reste. SAM finit son café et se lève. Il s’arrête devant la porte et voit les flics s’agiter.
RAOUL
Cela te rappelle le bon vieux temps, SAM ?
SAM
Il a jamais existé le bon vieux temps…
15. EXTERIEUR – DEVANT CHEZ RAOUL – JOUR PLUVIEUX.
SAM sort. Il passe juste à côté de l’HOMME AUX CHEVEUX GRIS. Il repère DAVE qui discute de manière véhémente avec MARIE qui tient une enveloppe kraft à la main. Alors qu’il s’approche, MARIE tourne la tête vers lui, le fixe un instant. Finalement, elle range l’enveloppe dans une poche de son imper et s’en va.
16. EXTERIEUR – UNE RUE DE PARIS (XVIème) – JOUR PLUVIEUX.
LUCIE, belle femme sophistiquée de trente-cinq ans, avance d’un pas décidé dans une rue huppée du XVIème. Elle s’arrête au niveau d’une porte cochère. Alors qu’elle tape le code pour entrer, on voit à son poignet un bracelet en or ressemblant à des corps entrelacés.
Elle entre…
17. INTERIEUR – PORTE COCHERE D’UN IMMEUBLE HUPPE – JOUR PLUVIEUX.
… et sursaute en voyant une masse sombre assise à côté des poubelles.
SAM
Salut LUCIE.
LUCIE
SAM ! T’es vraiment con. Tu m’as foutu la trouille !
SAM
Désolé… Je voulais pas… Je vois que tu as une clientèle fidèle. Je me souvenais que tu voyais ton Duc à cette heure-ci…
LUCIE
Ce n’est pas un Duc. C’est un Baron et je suis à la bourre. Qu’est-ce que tu veux, SAM ?
SAM
J’ai vu une copine à toi hier. (désignant le poignet de LUCIE), elle avait la même breloque que toi, mais à la cheville. Je dois la retrouver.
LUCIE
Non, mais tu te prends pour qui ? T’es plus flic, SAM. J’ai rien à dire à un privé de quartier. C’était quoi ta dernière enquête : retrouver le chien d’une grand-mère du XVIème ou filmer un mec en train de tromper sa femme ?
SAM (se levant)
GIPSY s’est fait descendre et le miché de ta copine est le suspect numéro un. Il s’appelle GOMEZ et je ne serai pas surpris qu’il donne dans la came. Pour le moment, il n’y a que moi qui ait fait le lien entre lui et les filles de RITA.
SAM marque un temps. LUCIE le fixe. On lit du dégoût dans son regard.
SAM
Soit tu me mets en relation avec elle, soit les flics débarquent chez ta patronne dans l’heure.
SAM se dirige vers la porte.
SAM
Je pense que t’as toujours mon numéro….
SAM disparaît dans la rue. La porte claque laissant LUCIE dans l’ombre.
LUCIE
Sors de ma vie…
18. INTERIEUR – BUREAU DE SAM – JOUR PLUVIEUX.
SAM est devant son ordinateur. Il fait des recherches sur le monde de la drogue. Deux termes reviennent souvent : « crystal », « Pays Bas : plaque tournante ? et « Tanger et Cap-vert ».
Une fenêtre ouverte sur l’écran égrène les infos en continu. « Meurtre à Paris : La Police soupçonne LUIS GOMEZ trafiquant de drogue notoire. La piste terroriste n’est toutefois pas écartée »
Il se retourne et sursaute en découvrant la silhouette de GITèS (la cinquantaine, carrure de lutteur, affable, mais menaçant)
GITES
Veuillez m’excuser pour cette intrusion, M. TALEB. J’ai sonné et frappé plusieurs fois, mais je n’ai pas eu de réponse…
SAM
Bizarre, la sonnerie marche très bien et j’ai l’ouïe très fine.
GITES (sourit mais ignore la remarque)
Je m’appelle JEAN-JACQUES GITES et je souhaiterais recourir à vos services. Puis-je m’asseoir ?
SAM
Je suis désolé mais je vais être très occupé dans les jours à venir.
GITES (s’asseyant malgré tout)
Par l’affaire GIPSY. Justement…
SAM ne dit rien. Il laisse venir.
GITES
… C’est pour cela que je vous contacte. Je suis avocat, quoique « conseiller légal » serait un terme plus adéquat. Je travaille pour un unique client et mon client souhaiterait que vous retrouveriez certains documents…
SAM
Quel rapport avec GIPSY ?
GITES
Allons, M. TALEB. Vous savez très bien comment votre ami gagnait sa vie. Si on peut appeler cela « gagner » et « vie ».
SAM (jauge le gars un instant)
Je sais exactement comment GIPSY récupérait son fric. Je sais aussi que les hommes sur qui il avait des dossiers étaient loin d’être blanc-bleu. C’est qui votre patron ou votre « client » comme vous dites ?
GITES (dont le ton devient beaucoup plus direct et moins policé)
GIPSY était une ordure et il faisait chanter mon client. Je veux que vous récupériez les documents qu’il détenait avant que la police ou pire tombe dessus. (Il jette à SAM une enveloppe épaisse). Voici une avance, vous aurez la même chose une fois que vous aurez mis la main sur les documents.
SAM (après avoir jeté un œil à l’enveloppe)
Je veux le double.
GITES lui lance une deuxième enveloppe
SAM (avec un sourire)
Et si je demande le triple ?
GITES (retrouvant son ton policé et menaçant)
Alors nous devrons trouver un autre moyen de solder nos comptes…
SAM
Il va falloir que vous me donniez quelques précisions : le nom de votre client, le type de documents que je dois retrouver…
GITES (coupant)
Plus tard. Enquêtez. Rassemblez un maximum d’éléments et contactez-moi (il lui tend une carte). Je ne vous cache pas l’urgence de la chose.
SAM jette un œil aux enveloppes et fixe GITES.
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